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d’obstacle à la licence de ses tableaux que la honteuse intervention de la police, cet ignoble et pourtant nécessaire gardien de la morale publique, dans les pays où la morale publique n’est plus que le droit abandonné à l’autorité de veiller à la poursuite des crimes et à la répression des scandales.

Au surplus, la pièce que nous avons vu représenter à Stalden n’est ni une comédie ni une tragédie, c’est un mystère, moderne à la vérité, puisqu’il a été composé d’après un conte du chanoine Schmidt par le curé même de l’endroit, mais présentant d’ailleurs, du premier jusqu’au dernier, et dans le fond aussi bien que dans la forme, tous les caractères des anciennes pièces qui ont porté ce nom. Ainsi, pour ce qui est des analogies d’appareil et d’extérieur : tréteaux et échafaudages de même sorte, spectacle donné en plein jour et en plein air, durée pareillement longue de la représentation, personnages infernaux, prologue et épilogue ; pour ce qui est du fond, les croyances catholiques mises en scène, puis, sous cet appareil accommodé aux esprits, une donnée morale simple et pratique ; enfin, pour ce qui est de la forme, le défaut d’art, l’imitation cherchée de la réalité imparfaitement mais naïvement comprise ; le dialogue, les tirades barrant la route à une action qui demeure à peu près immobile, et l’intérêt poursuivi bien plutôt dans l’exactitude matérielle des incidents et dans l’expression fortement, longuement accusée, de sentiments et de passions d’une grande simplicité, que dans les coups imprévus, dans les surprises, dans les artifices ingénieux d’une intrigue nouée avec quelque art et déliée avec quelque bonheur. Pourtant, hâtons-nous de le dire, si à tous ces égards l’analogie est frappante entre la pièce jouée à Stalden en septembre 1842 et les mystères du moyen âge, à l’égard de la donnée morale, elle est comparativement épurée, et, autant que nous avons pu la suivre et la comprendre au moyen des yeux bien plus qu’au moyen d’une intelligence malheureusement très-bornée de la langue allemande, il nous a paru qu’exempte de controverse hostile, elle se bornait à l’objet convenable de renforcer chez les montagnards, en vue desquels elle a été composée, la moralité par la croyance et la croyance par la moralité.

Chose singulière ! on parle des mystères comme d’une chose qui a vécu, et, tout à côté de nous, dans nos montagnes, on les pratique ; bien plus, on les a pratiqués sans interruption à partir de l’époque où en France ils étaient encore le seul théâtre en usage. M. de Sainte-Beuve, dans son excellent écrit sur les écrivains du seizième siècle, consacre d’intéressantes