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breux, amis, jeunes, gais, éreintés, c’est de toutes les petites fêtes qui peuvent s’improviser partout, mais bien mieux encore dans une petite hôtellerie de village ou de montagne, l’une des plus aimables que nous sachions. Roveredo, Lostallo, Domazo, Dissentis, et tant d’autres trous où nous confina la pluie, quels moments bien remplis, quelles jolies heures nous avons coulées sous l’hospitalier abri de vos humbles auberges, lorsque, réunis dans quelque salle enfumée, nous trouvions dans notre mutuel commerce, dans la mise en commun de nos ressources, dans ce que suggérait à chacun de nous un industrieux bon vouloir, de quoi conjurer les privations et les contrariétés ! Jeux, loteries, croquis à achever, lettres à écrire, insectes à classer, tout venait à la file, et nos hôtes eux-mêmes finissaient par ne rien comprendre à des voyageurs que l’orage ne contriste pas, et que la pluie, en continuant de tomber à verse, semble ragaillardir de mieux en mieux. À Lostallo il y avait une épinette, mais celui qui la touchait est mort depuis, et le son de cet instrument résonne encore à notre oreille, comme la lointaine et mélancolique voix de cet enfant si aimable, si heureux alors, qu’aujourd’hui la tombe recouvre.

Que la musique affecte diversement selon le lieu, l’heure, l’entourage, la disposition ! En certains moments, toute magnifique qu’elle puisse être, elle importune, ou encore elle n’est qu’un agréable bruit ; dans d’autres, moments, tout humble qu’elle soit, elle délasse, elle récrée, elle ravit le cœur et les sens, et semble être à la fois le plus tendre et le plus éloquent des parlers. Mais en voyage, à l’arrivée, au moment où, rendu de fatigue, vous venez de vous poser sur la chaise, sur le banc, sur le premier bout de table qui s’est présenté, alors le thème le plus simple, joué sur le plus usé des clavecins, cause, à la seule condition que l’instrument soit d’accord, la plus vive impression de douce surprise et d’intérieure jouissance. Chose singulière, la débilité même des sons, surtout ce timbre fêlé mais vibrant de l’épinette, en voilant la mélodie, l’assortit à votre besoin de calme ; en sorte que cela justement qui provoquerait les dédains d’un dilettante de casino vous arrive comme l’insinuant accent d’une bonne sirène qui caresse votre lassitude.

Nous ne sommes pas un dilettante de casino, nous ne sommes pas même un dilettante, et la preuve, c’est que notre passion, notre avidité de musique, bien plus gloutonne que délicate ou raffinée, se satisfait mieux encore au moyen des airs les plus communs joués cent et cent fois avec une simplicité sentie, qu’elle ne se rassasie en allant écouter dans les casinos et dans les salles de concert les incomparables de l’époque. Ici