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pour quelque chose, pour beaucoup dans le plaisir que nous trouvons à franchir de hautes sommités ; dans l’attrayante émotion qui nous y accompagne, si le ciel ou le vent menacent ; dans la sécurité radieuse et sentie qui nous y visite, si tout est azur au ciel, resplendissante sérénité sur les cimes prochaines et sur les croupes qui ondulent vers l’horizon. Cette année encore, peu favorisés par le temps, nous n’avons pas échappé aux orageuses nuées qui enveloppaient de nuit et de froidure deux ou trois des huit cols que nous avons passés, sans éprouver, en nous retrouvant désormais parfaitement en sûreté sur l’autre revers, des mouvements très-vifs de délicieuse satisfaction. Il est de fait qu’au sortir de ces nuées-là tout vous sourit, tout vous est soleil, même la pluie, et que, rincés jusqu’aux os comme nous l’étions après avoir passé dans un même jour le col du Bonhomme et le col de la Seigne, il ne nous serait pas venu à l’esprit de n’être pas infiniment contents et très-fortunés. Toutefois, nous le répétons, ce sont là des plaisirs qu’il ne faut se hasarder à goûter qu’en compagnie d’un bon guide, et après qu’on a acquis soi-même quelque expérience des us et coutumes des nuages ou du vent à un millier de toises au-dessus du niveau de la mer.

À deux pas du Prieuré, il s’agit de passer une flaque d’eau noire et bourbeuse. Alfred, qui ne fait pas usage des ponts, mesure de l’œil, prend son élan, saule, et flac, en effet… voici M. Töpffer et sa blouse neuve qui en un clin d’œil sont passés du propre au bourbeux. Autant vaudrait presque ce vermicelle dont, l’an passé, Sorbières fut arrosé par un sommelier chevelu. Vermicelle funeste ! flaque indigne ! Adieu joie,