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À l’appui de cette affirmation que le christianisme n’est pas en contradiction avec la violence, ils invoquent, avec la plus grande hardiesse, les passages les plus équivoques de l’Ancien et du Nouveau Testament, en les interprétant dans le sens le moins chrétien, tels que l’exécution d’Ananias et de Saphira, celle de Simon le magicien, etc. Ils citent tout ce qui leur paraît justifier la violence, comme l’expulsion des marchands du temple, et ces paroles : « Je vous dis que ceux de Sodome seront traités moins rigoureusement que vous au jour du jugement. » (Mathieu, XI, 24.)

D’après la conception de ces hommes, un gouvernement chrétien n’a nullement le devoir de se guider par l’esprit de charité, de pardon des offenses et d’amour des ennemis.

Il est inutile de réfuter une pareille thèse parce que ceux qui la défendent se réfutent eux-mêmes, ou plutôt se séparent du Christ en imaginant leur propre Christ et leur propre christianisme à la place de celui au nom duquel existent et l’église et la situation qu’ils y occupent. Si tout le monde savait que l’église reconnaît un Christ vengeur, implacable et guerrier, personne ne serait partisan de cette église, et personne n’en défendrait les doctrines.

Le deuxième moyen, — un peu moins grossier — consiste à reconnaître que le Christ enseignait, il est vrai, de tendre la joue et de donner son vêtement, et que c’est là une bien haute morale ;… mais… comme il existe sur la terre une foule de malfaiteurs, on doit les tenir en respect par la force, sous peine de voir les bons, et le monde entier, périr. — J’ai trouvé pour la première fois cet argument chez Jean Chrysostome, et j’en démontre la fausseté dans mon livre Ma Religion.

Cet argument est sans valeur, parce que, si nous nous