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chrétienne, phénomène autrefois très rare et qui passait inaperçu, est devenu beaucoup plus fréquent en ces dernières années, et bien plus dangereux pour le pouvoir.

S’il arrivait, dans l’ancien temps, à l’époque romaine, qu’un chrétien eût à refuser de participer aux sacrifices ou de s’incliner devant les empereurs ou les idoles, ou, au moyen âge, de se prosterner devant les icônes ou de reconnaître le pouvoir du pape, ces cas étaient exceptionnels : l’homme pouvait être placé dans la nécessité de confesser sa foi, mais il pouvait aussi achever sa vie sans avoir été mis une seule fois dans cette obligation.

Aujourd’hui, tous les hommes sans exception sont soumis à ces épreuves de la foi. Ils doivent participer aux cruautés de la vie païenne, ou s’y refuser. En outre, dans les temps anciens, le refus de se prosterner devant les dieux, les icônes ou le pape n’était pas d’une importance considérable pour l’État, car le nombre des croyants ou des incrédules ne pouvait influer sur sa puissance. Tandis qu’aujourd’hui le refus de satisfaire aux exigences antichrétiennes des gouvernements menace leur pouvoir dans son principe même puisqu’il est basé sur ces exigences.

La marche de la vie a amené les gouvernements à une situation telle que pour se maintenir ils doivent demander aux hommes des actes qui sont en désaccord avec la véritable doctrine chrétienne. Voilà pourquoi tout vrai chrétien compromet l’existence de l’organisation sociale actuelle et doit amener infailliblement l’affranchissement de tous.

Quelle importance peut-on attribuer au refus de quelques dizaines de fous, comme on les appelle, de prêter serment au gouvernement, de payer l’impôt, de participer à la justice et de servir dans l’armée ? On