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Depuis la fin du siècle dernier, presque chaque pas en avant de l’humanité, au lieu d’être encouragé, a été entravé par les gouvernements. C’est ce qui est arrivé pour la suppression des peines corporelles, de la torture, de l’esclavage, ainsi que pour l’établissement de la liberté de la presse et de la liberté de réunion. Non seulement le gouvernement n’aide pas, mais il s’oppose à tout mouvement qui aboutirait à de nouvelles formes de la vie. La solution des questions ouvrières, agraires, politiques, religieuses, loin d’être encouragée, est empêchée par l’autorité gouvernementale.

« Sans l’état et le gouvernement, le peuple aurait été conquis par les peuples voisins. »

Inutile de répondre à cet argument, il porte sa réfutation en lui-même. Le gouvernement et son armée nous sont, dit-on, nécessaires pour nous défendre contre les peuples voisins qui pourraient nous soumettre : mais tout cela se dit par tous les gouvernements, chez toutes les nations, et cependant nous savons bien que tous les peuples de l’Europe exaltent les principes de la liberté et de la fraternité. Ils n’ont donc pas à se défendre les uns contre les autres. Mais, si on parle des barbares, la millième partie des troupes en ce moment sous les armes suffirait pour les tenir en respect. Nous voyons donc juste le contraire de ce qu’on nous dit. Non seulement l’exagération des forces militaires ne nous préserve pas des attaques de nos voisins, mais elle seule, au contraire, pourrait être le motif de ces attaques.

Cela fait que pour tout homme qui, par le service obligatoire, est amené à réfléchir sur le gouvernement au nom duquel on lui demande le sacrifice de son repos, de sa sécurité et de sa vie, il est clair que ce sacrifice n’est plus justifié par rien aujourd’hui.

Non seulement il est évident que les sacrifices deman-