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fille et la femme à qui il l’avait confiée, s’était rapproché des militaires.

« Où donc te mène-t-on, mon petit pigeon ? et que ferai-je de cet enfant si elle n’est pas à eux ?

— Que veut cette femme ? » demanda l’officier.

La surexcitation de Pierre ne connut plus de bornes à la vue de la fillette qu’il avait sauvée.

« Ce qu’elle veut ? Elle m’apporte ma fille, que je viens de tirer des flammes. » Et, ne sachant lui-même pourquoi il avait débité ce mensonge inutile, il se mit à marcher entre les quatre lanciers chargés de le garder.

Cette patrouille avait été envoyée, ainsi que beaucoup d’autres, sur l’ordre de Durosnel, pour arrêter le pillage et mettre la main sur les incendiaires qui, au dire des chefs militaires français, mettaient le feu à Moscou. Mais, en fait de gens suspects, les patrouilles n’avaient trouvé qu’un boutiquier, deux séminaristes, un paysan, un domestique et quelques maraudeurs. Pierre fut celui de tous qui leur inspira le plus de soupçons ; aussi, lorsqu’ils furent amenés dans la maison où était établi le corps de garde, fut-il placé dans une chambre à part et soumis à une rigoureuse surveillance.