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« — Bien que ce soit vrai, cependant on ne peut pas refuser de jurer, parce qu’on nous tourmenterait. »

À cela j’ai dit : « Celui qui perd sa vie terrestre héritera de la vie éternelle… »

Le 20, on m’a placé dans les rangs avec les autres jeunes soldats, et on nous a expliqué la règle du service. Je leur ai dit que je ne ferai point cela. Ils m’ont demandé pourquoi ? J’ai dit : « Parce que je suis chrétien et ne porterai pas les armes et ne me défendrai pas contre l’ennemi, parce que Christ a ordonné d’aimer même ses ennemis. » Ils ont dit : « Mais est-ce que toi seul tu es chrétien ? Nous tous sommes chrétiens. »

J’ai dit : « Je ne sais rien des autres ; mais je sais pour moi-même que Christ a dit de faire ce que je fais. »

Le chef a dit : « Si tu ne travailles pas, je te ferai pourrir en prison. » À cela j’ai dit : « Faites de moi ce que vous voudrez, je ne servirai pas… »

Aujourd’hui, une commission m’a examiné. Un général a dit aux officiers : « Quelle conviction invoque ce blanc-bec pour refuser de servir ? Des millions servent et lui seul refuse. Il faut le bien fouetter et il changera ses convictions. » (Lettre d’un paysan réfractaire.)


On expédia Olkovik à l’Amour. Sur le bateau, tous firent leurs dévotions, lui s’y refusa. Les soldats lui demandèrent pourquoi. Il le leur expliqua. À la conversation prit part un soldat, Cyril Séreda. Il ouvrit l’Évangile et se mit à lire le chapitre V de Mathieu. Après avoir lu, il dit : « Voilà, Christ défend le serment, les tribunaux, la guerre, et chez nous il y a tout cela et on le regarde comme une bonne chose. » Les soldats qui l’entouraient, remarquèrent que Séreda