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dre, ne pas mentir, ni par crainte, ni par lucre, ne pas éluder les exigences de la loi suprême de la conscience, tout cela exige l’effort.

S’imaginer, au contraire, que l’institution d’une certaine forme de gouvernement amènera, par une voie mystique quelconque, tous les hommes, et soi-même dans ce nombre, à l’équité et à la vertu et, pour arriver à cela, sans aucun effort de la pensée, répéter ce que disent les hommes d’un parti, s’émouvoir, discuter, mentir, feindre, insulter et se battre, tout cela se fait de soi-même, sans qu’il y ait besoin d’efforts. Les hommes veulent tellement qu’il en soit ainsi, qu’ils se persuadent que cela est.

Et alors, voilà une théorie d’après laquelle on tâche de prouver que les hommes peuvent, sans efforts, obtenir les résultats de l’effort. Cette théorie est semblable à celle d’après laquelle, la prière pour son propre perfectionnement, la foi en la rédemption des péchés par le sang du Christ, ou la grâce divine transmise par les sacrements, peuvent remplacer l’effort personnel. Sur la même aberration psychologique est basée aussi cette théorie extraordinaire de l’amélioration de la vie sociale par le changement des formes extérieures qui a produit et produira tant de maux horribles et qui, plus que tout, empêche le vrai progrès de l’humanité