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Il prit sa robe de chambre et ses pantoufles, s’approcha de la table et se mit à écrire le brouillon du testament par lequel il léguait toute sa fortune à des œuvres de bienfaisance. Cela fait, il voulut se recoucher. Mais alors, il songea à son valet et au portier. Il se transporta lui-même dans l’âme du valet et se demanda : « Si j’étais un pauvre valet, recevant par mois quinze roubles de gages, et si, séparé de moi par cinq chambres, il y avait là un richard endormi, entouré d’argent, sachant fermement, comme maintenant, qu’il n’y a ni Dieu, ni juge suprême, que ferais-je ? Je ferais ce que j’ai fait avec le marchand. » Et Trofine Sémionovitch fut pris de peur. Il se leva et courut verrouiller sa porte, mais le verrou ne tenait pas. Devant la porte il roula un fauteuil et avec des serviettes l’attacha au loquet. Sur le fauteuil il plaça une chaise qui devait, en tombant, faire du bruit. Ce fut seulement alors qu’il éteignit sa bougie et se coucha. Il ne s’endormit qu’au matin et dormit si tard que sa femme, inquiète, vint ouvrir sa porte. La chaise tomba avec un grand bruit. Trofine Sémionovitch se dressa effrayé, pale : « Qui ? quoi ! À l’assassin ! » cria-t-il. Il resta longtemps sans pouvoir se ressaisir. En s’éveillant, il s’était imaginé qu’on venait pour le tuer. Quand il se remit, il expliqua qu’il avait barri-