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dre lui avait déclaré n’avoir pas assez des vingt mille roubles par an qu’il recevait de son père et qu’il lui en avait demandé dix mille de plus. « …Et quand j’ai refusé, il s’est montré mécontent. Supposons qu’il compte avoir tout quand je mourrai » Et, tout à coup, Trofine se dit que son fils devait désirer sa mort. « Lutte pour être vainqueur ; j’ai lutté, j’ai tué le marchand ; sa mort m’était nécessaire et j’ai pris sa vie. Et pour lui, pour mon fils, quelle mort est nécessaire ? » Il s’arrêta et se souleva sur son lit : « Quelle mort ? La mienne ! Oui je lui barre la route. Quelque somme que je lui donne, il ne sera satisfait que si je meurs et s’il reste maître de tout. » Et Trofine Iachnikov se remémora les regards et les paroles de son fils, et les sons de sa voix ; il vit que son fils désirait sa mort. « Et il ne peut pas ne pas la désirer. Or, s’il la désire, lui, un homme instruit, sans préjugés, alors il doit me tuer. Supposons qu’il ne veuille pas se perdre, mais il y a le poison… » Et tout à coup il se rappela une conversation qu’il avait eue avec son fils sur les poisons de jadis, qui tuaient sans laisser de traces. « Et s’il se procure un poison semblable pourquoi ne me le donnerait-il pas ? Il doit me le donner. Il a déjà dit que je conduis mal mes affaires, et qu’on peut faire beaucoup mieux… Oui, un verre de thé… et tout est fait. Acheter