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cessant de vous soucier de votre perfectionnement moral, en n’imposant plus à votre conscience l’explication de la vérité, et ne pliant plus votre vie à cette conscience, et en vous occupant du perfectionnement, de l’instruction et de l’amélioration d’autrui.

Je pense que le danger qui vous a effrayé était imaginaire et qu’en continuant à analyser votre conscience, et y conformant votre vie, vous ne risquiez nullement de la passer dans l’oisiveté et inutilement pour autrui.

Je pense au contraire, que non seulement il n’y a nulle possibilité d’éclairer et de corriger les autres sans s’être éclairé et corrigé soi-même jusqu’aux dernières limites du possible, mais même qu’on ne peut s’éclairer et s’améliorer isolément, que chaque fois qu’on s’éclaire et travaille à l’amélioration de soi-même, inévitablement on éclaire et améliore les autres et que ce moyen est le seul efficace pour rendre service à autrui ; de même que le feu ne peut éclairer et chauffer uniquement l’objet qui l’alimente — mais inévitablement éclaire et échauffe autour de lui et ne produit cet effet que quand il brûle lui-même.

Vous écrivez : « Si je deviens meilleur, mon prochain s’en trouvera-t-il mieux ? » C’est comme si un terrassier disait : « Si j’affûte ma pioche, est-ce que mon travail avancera ? » Le