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compagner, mais lisait parfaitement la musique. Kitty jouait bien du piano et l’accompagna.

« Vous avez un talent remarquable », dit la princesse après le premier morceau, que Varinka chanta avec goût.

Marie Evguénievna et sa fille joignirent leurs compliments et leurs remerciements à ceux de la princesse.

« Voyez donc le public que vous avez attiré », dit le colonel qui regardait par la fenêtre.

Il s’était effectivement rassemblé un assez grand nombre de personnes, près de la maison.

« Je suis enchantée de vous avoir fait plaisir », répondit simplement Varinka.

Kitty regardait son amie avec orgueil : elle était dans l’admiration de son talent, de sa voix, de toute sa personne, mais plus encore de sa tenue ; il était clair que Varinka ne se faisait aucun mérite de son chant, et restait fort indifférente aux compliments ; elle avait simplement l’air de se demander : « Faut-il chanter encore, ou non ? »

« Si j’étais à sa place, pensait Kitty, combien je serais fière ! comme je serais contente de voir cette foule sous la fenêtre ! Et cela lui est absolument égal ! Elle ne paraît sensible qu’au plaisir d’être agréable à maman. Qu’y a-t-il en elle ? Qu’est-ce qui lui donne cette force d’indifférence, ce calme indépendant ? Combien je voudrais l’apprendre d’elle ! » se disait Kitty en observant ce visage tranquille.

La princesse demanda un second morceau, et