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doivent l’aimer et l’honorer. Je la considère comme ma femme. Ainsi tu sais à qui tu as affaire : et maintenant, si tu crois t’abaisser, libre à toi de sortir. »

Et il jeta un regard interrogateur sur ceux qui l’entouraient.

« Je ne comprends pas en quoi je m’abaisserais.

— Alors, fais-nous monter trois portions, Macha, trois portions, de l’eau-de-vie, du vin. Non, attends ; non, c’est inutile, va. »


CHAPITRE XXV


« Vois-tu, — continua Nicolas Levine en plissant le front avec effort et s’agitant, car il ne savait ni que dire, ni que faire. — Vois-tu, — et il montra dans un coin de la chambre quelques barres de fer attachées avec des sangles. — Vois-tu cela ? C’est le commencement d’une œuvre nouvelle que nous entreprenons ; cette œuvre est un artel[1]professionnel. »

Constantin n’écoutait guère ; il observait ce visage maladif de phtisique, et sa pitié croissante l’empêchait de prêter grande attention à ce que disait son frère. Il savait bien d’ailleurs que cette œuvre n’était qu’une ancre de salut destinée à empêcher Nicolas de se mépriser complètement. Celui-ci continua :

« Tu sais que le capital écrase l’ouvrier ; l’ouvrier, chez nous, c’est le paysan ; c’est lui qui porte tout le

  1. Association ouvrière