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pensait-il ; voilà Hélène Vassilievna, même à cinquante ans, ce sera une beauté. »

— Je crois pouvoir vous féliciter, chuchota Anna Pavlovna à la princesse, en l’embrassant avec force. Si je n’avais pas la migraine, je resterais.

La princesse ne répondit rien ; elle était tourmentée, impatiente du bonheur de sa fille.

Pierre, pendant la sortie des hôtes, restait longtemps seul avec Hélène dans le petit salon où ils s’étaient assis. Pendant ce dernier mois, il était souvent resté seul avec Hélène, mais jamais il ne lui avait parlé d’amour. Maintenant il sentait que c’était nécessaire, mais il ne pouvait se décider à ce dernier pas. Il avait honte et se figurait occuper ici, près d’Hélène, une place étrangère. « Ce bonheur n’est pas pour toi, lui disait une voix intérieure. C’est un bonheur pour ceux qui n’ont pas ce qu’il y a en toi. » Mais il fallait dire quelque chose ; il se mit à parler. Il lui demanda si elle était contente de sa soirée d’aujourd’hui. Elle, comme toujours, avec simplicité, répondit que cette fête était pour elle une des plus agréables.

Quelques proches parents restaient encore. Ils étaient dans le grand salon. Le prince Vassili, d’un pas paresseux, s’approcha de Pierre. Pierre se leva, dit qu’il était déjà tard. Le prince Vassili le regarda sévèrement et d’un ton interrogateur, comme si ces paroles étaient si étranges qu’on ne pouvait même les entendre ; mais après, l’expres-