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jugez point, mais — ne jugez point et ne condamnez point. Ce n’est pas en vain qu’il ajoute ce mot dont le sens est presque le même. Il a voulu préciser le sens qu’il convient d’attribuer au premier mot.

S’il avait voulu dire : ne jugez pas le prochain, il aurait ajouté ce mot, mais il ajoute le mot qui se traduit en russe par — ne condamnez point. Et après cela il dit : « et vous ne serez point condamnés ; pardonnez à chacun, et vous serez pardonnés. »

Malgré cela Christ ne pensait peut-être pas aux tribunaux ; c’est moi peut-être qui retrouve ma pensée dans ses paroles, qui ont un autre sens.

Je me réfère aux premiers disciples de Christ, aux apôtres, pour voir ce qu’ils pensaient des tribunaux, s’ils les admettaient ou les réprouvaient ?

Dans son chapitre iv, 11, 12, l’apôtre Jacques dit : Mes frères, ne médisez point les uns des autres. Celui qui médit de son frère, et qui condamne son père, médit de la loi ; et condamne la loi. Or, si tu juges la loi, tu n’es point observateur de la loi, mais tu t’en rends le juge.

Il y a un seul législateur, qui peut sauver et détruire. Toi qui es-tu qui juges les autres ?

Le mot traduit par le verbe médire est le mot Καταλάλεα. Or, même sans dictionnaire, on voit que ce mot veut dire accuser. C’est sa vraie signification, et chacun peut s’en convaincre en ouvrant un dictionnaire. On a traduit : Celui qui médit de son frère, médit de la loi. Involontairement se pose la