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l’avenir de l’Église véritable. Mais il ne dit pas pourquoi lui-même ne fait pas ce que lui commande sa religion. Au lieu de parler de soi, il vous parle de la situation générale de l’humanité et de l’Église comme si sa propre vie n’avait pour lui aucune signification, comme si sa seule préoccupation était le salut de l’humanité et de ce qu’il appelle l’Église.

Un philosophe, de quelque école qu’il soit, idéaliste, spiritualiste, pessimiste ou positiviste, à la question : pourquoi vit-il ainsi ? c’est-à-dire en désaccord avec sa doctrine philosophique — toujours, au lieu de répondre directement à cette question, commencera à parler du progrès de l’humanité, de la loi historique de ce progrès qu’il a découcouverte et suivant laquelle l’humanité s’achemine vers le bien. Mais jamais il ne dira pourquoi il ne fait pas pour son propre compte ce qu’il tient pour raisonnable. Le philosophe, tout comme le croyant, paraît être occupé non pas de sa vie personnelle, mais du soin d’observer l’action générale des lois sur l’humanité.

L’homme moyen, l’immense majorité des gens civilisés mi-croyants mi-sceptiques, ceux qui toujours, sans exception, se plaignent de l’existence, de son organisation et prévoient la ruine de toute chose, cet homme moyen, à la question : Pourquoi vit-il de cette vie qu’il blâme sans rien faire pour la rendre meilleure ? — toujours, au lieu