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la matinée on n’entendit parler que de l’échec de ceux qui passaient avant moi : à l’un, il a mis zéro, à l’autre, un, il s’est fâché contre le troisième qu’il voulait chasser, etc. Seuls, Sémenov et le premier lycéen, comme toujours, revinrent tranquillement, chacun d’eux ayant obtenu cinq. Je pressentis déjà un malheur quand on m’appela avec Ikonine à la petite table devant laquelle le terrible professeur était assis tout seul. Le terrible professeur était un homme petit, maigre, blême, aux cheveux longs, luisants, à la physionomie très pensive.

Il donna à Ikonine les discours de Cicéron et le fit traduire.

À mon grand étonnement, Ikonine non seulement lut, mais encore traduisit quelques lignes avec l’aide du professeur qui lui soufflait. Ayant conscience de ma supériorité vis-à vis d’un concurrent si faible, je ne pus m’empêcher de sourire, et même, avec mépris, quand aux interrogations d’analyse, Ikonine, comme avant, se plongea dans un silence évidemment sans issue. Par ce sourire spirituel, un peu sarcastique, je voulais plaire au professeur, mais ce fut le contraire.

— Vous savez mieux, sans doute, c’est pourquoi vous souriez ? — me dit en mauvais russe le professeur. — Voyons, eh bien ! Parlez.

Je reconnus après que le professeur de latin protégeait Ikonine, qui était son pensionnaire. Je répondis aussitôt à la question de syntaxe qui était