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au salon de l’air victorieux, heureux, d’un homme qui a atteint le but de ses désirs.

Eh bien, vous savez la grande nouvelle, le prince Koutouzov est maréchal ! Tous les désaccords sont terminés. J’en suis si heureux, si heureux ! dit-il.

Enfin, voilà un homme, opina-t-il avec componction en regardant sévèrement toutes les personnes qui se trouvaient là.

L’homme de beaucoup de mérite, malgré son désir de recevoir la place, ne put s’empêcher de rappeler au prince Vassili son opinion antérieure. (C’était impoli envers le prince Vassili, dans le salon d’Anna Pavlovna et devant celle-ci, qui elle aussi accueillait joyeusement cette nouvelle. Mais il ne pouvait se retenir.)

Mais on dit qu’il est aveugle, mon prince, dit-il, rappelant au prince Vassili ses propres paroles.

Allez donc, il y voit assez, dit le prince de sa voix rapide, basse, en toussotant ; de cette voix et avec ce toussotement qu’il avait pour résoudre toutes les difficultés. Allez, il y voit assez, répéta-t-il. Ce dont je suis heureux c’est que l’empereur lui ait donné pleins pouvoirs sur toutes les armées et sur tous les pays, pouvoirs que n’eut jamais aucun commandant en chef. C’est un autre autocrate, conclut-il avec un sourire vainqueur.

— Dieu le veuille ! Dieu le veuille ! dit Anna Pavlovna.