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— Toute seule… Aussi, j’ai gagné l’estime de mes voisins. Ils sont bien étonnés de voir un si bel ouvrage fait par une personne qui a vécu soixante ans dans les villes et qui a maintenant soixante-dix ans… Mon jardin ! c’est presque une personne. Je l’ai créé, soigné, protégé, avec tant de soins et de fatigues qu’il est devenu vivant et parlant, et qu’il me tient compagnie…

Je regarde ce morceau de terre, entre deux haies et une grille. C’est peu de chose et c’est un monde. Il contient, pour celle qui le cultive, toute la fécondité et toute la beauté, toute la nature, comme une flaque d’eau contient tout le ciel.

Il est charmant, d’abord parce qu’il ressemble à la maison, parce qu’il est naïf et légendaire comme elle. On n’y trouve pas ces fleurs rares, ces beaux monstres sans parfum, ces plantes pompeuses que le caprice des horticulteurs a inventées pour être un signe extérieur de la richesse, devant les villas somptueuses ou dans les parcs des châteaux. On n’y trouve pas non plus ces laides plantes grasses,