Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

leur beauté complaisante. En est-il une, une seule, qui, fidèle de corps et d’âme à celui qu’elle aime, se souciant du reste de l’univers, reste indifférente au plaisir d’entendre bruire sur son passage l’admiration des inconnus ?

Il en avait souffert, le pauvre Yann, de cette libéralité féminine, tout instinctive chez Maria-Josèphe. Ce grand enfant au cœur simple restait inhabile à saisir les complications de sentiment qui faisaient une énigme pour lui de cette jeune fille rêveuse et ennuyée, dont les coquetteries ne devaient pas survivre au premier éveil de l’amour. Il la croyait parfois méchante, très méchante, et il pleurait, le doux musicien, dans sa chaumine de Kerloquet, en songeant que s’il n’avait pas de rival préféré, il avait bon nombre de rivaux ni plus ni moins aimés que lui-même… Ah ! si le père le Bihan avait vécu, les choses ne se seraient pas ainsi passées ! Mais la vieille grand’mère, à soixante-dix ans, n’y voyait guère et croyait aveuglément tout ce que l’enfant lui disait. C’est un vrai malheur pour une fille que d’être si peu surveillée !… — Si Maria-Josèphe l’eût aimé, le brave Yann aurait changé d’avis sans doute. — Pourquoi ne pas vouloir de lui ? Il n’était pas laid, pourtant, ni pauvre, ayant maison et champ à Kerloquet, sans compter de beaux écus