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— Nous allons, Liévin et moi, au baptême du petit dernier d’Alain Kerdouarec. Marceline le Guellec épouse Loéiz Tréguen, à Kercado, mais Liévin, mon ami Liévin, mènera s’il veut la noce avec la bombarde. Je ne vais plus aux noces, moi.

— Sauvage ! dit-elle en souriant toujours.

Liévin entrait au cabaret d’en face. Yann regardait un caillou sur le seuil de l’auberge, obstinément.

— Sauvage ! répéta doucement Maria-Josèphe.

— Las, ma Doué ! dit le pauvre chanteur, vous savez bien ce que je vous ai dit à la dernière assemblée. Pourquoi me tourmenter méchamment comme ça ? Le biniou ne sonnera qu’à ma noce et le biniou ne pourra sonner, et Yann Lebrenn ne pourra chanter que si vous dansez le bal breton avec le bouquet de mariée au corsage.

Elle haussa les épaules, pas fâchée, mais vaguement railleuse, ayant dans les yeux je ne sais quelle ironie attendrie, comme si elle eût entendu déraisonner un enfant incorrigible.

— Je m’en vas, dit Yann. À bientôt.

— Entrez donc prendre un verre de cidre avec la grand’maman, dit-elle, un peu fâchée de le voir tourner ainsi les talons.

— Je n’ai pas le cœur à ça, dit Yann en soupirant. Merci. Quand vous direz un mot, vous savez. Ah ! ma Doué ! si je n’avais pas mon vieux biniou…

Et il s’éloigna lentement, serrant le sac dégonflé sur sa poitrine, et baissant la tête sous ses cheveux éplorés, résigné, mais triste.

Robert exultait de joie.