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Courez tous, facteurs, demandez
Afin qu’il foule ma pelouse,
Monsieur François Coppée, un des
Quarante, rue Oudinot, douze.

Paris — chez Madame Mery
Laurent qui vit loin des profanes
Dans sa maisonnette, very
Select, du neuf boulevard Lannes.

Prends la canne à bec de corbin,
Vieille poste ou je vais t’en battre,
Et cours chez le docteur Robin
Rue ? oui, de Saint-Pétersbourg, quatre.

Les Vers de Circonstance contiennent plus de cent vingt de ces adresses en vers, que toujours la poste sut acheminer.

Dédoublant l’inspiration de Villiers en paroles de foi et en signes d’ironie, paraphrasant la double dédicace de l’Ève Future : Aux rêveurs, aux railleurs ! il fait du lyrisme et de la satire unis la « poésie elle-même[1] ». Cette formule jetée en passant, il l’a à peine pratiquée. Ce que son rêve comportait d’aérien s’évanouissait généralement lorsque se déposait sur le papier une cristallisation de mots rares. La Prose pour des Esseintes n’a guère de lendemain. Et l’on croirait à peine que la première idée de l’Après-Midi d’un Faune fut de fournir un monologue à Coquelin. L’ironie, qui faisait une des ressources ordinaires de son génie, d’habitude se dissimule et se fond dans l’allusion. De l’ironie et de l’allusion, qu’il faut prendre en son sens strictement étymologique, sur leurs niveaux différents la source demeure pourtant la même. Un Allemand dirait que se jouant autour des choses sans les saisir directement, toutes deux représentent la liberté de l’esprit. Une esthétique, qui rappelle parfois celle de Mallarmé est d’ailleurs l’esthétique allemande de l’Ironie, celle de Solger, Schle-

  1. Villiers, p. 67.