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connaître ceux qui furent tenus dans les deux assemblées d’Athènes. Il indique pourtant les deux raisons essentielles qui parurent décisives au parti de la guerre. D’abord « on sentait bien que l’on aurait la guerre avec le Péloponèse : aussi ne voulait-on pas abandonner aux Corinthiens une ville qui possédait une si forte marine. » Ensuite « Corcyre paraissait située favorablement sur la route de l’Italie et de la Sicile » (I, 44). Déjà les Corcyréens, quand ils sollicitaient l’alliance athénienne avaient fait valoir cette raison. « Corcyre, disaient-ils, vous permettra de couper les communications des Péloponésiens avec l’Italie et la Sicile et d’assurer les vôtres » (I, 36).

Mais une troisième raison, exposée dans le discours des Corcyréens, dut sans doute agir fortement sur les politiques de la mer. Elle n’est autre que le principe britannique du two powers standard. « Il y a en Grèce trois marines qui comptent : la nôtre, la vôtre et celle des Corinthiens. Si vous permettez à ces deux dernières de n’en faire qu’une et aux Corinthiens de nous absorber, vous aurez à combattre les Corinthiens et les Corcyréens réunis ». C’est une réflexion sur ce sujet qui amènera l’Angleterre à ces deux maximes : entretenir toujours les divisions entre les deux plus fortes puissances maritimes, avoir toujours une flotte égale aux deux plus fortes flottes réunies[1].

Ce n’est pas seulement la guerre à outrance d’Athènes et de ses alliées contre Sparte et sa ligue, qui est en germe dans la décision de l’assemblée athénienne, c’est la déviation nécessaire de cette guerre en un impérialisme occidental, en l’expédition sicilienne. L’expédition de Corcyre, qui dut avoir contre elle les conserva-

  1. Revoir la note 1.