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Corneille mettant en avant comme motif d’action pour un Nicomède ou un César une question de blé ou de débouché ? L’histoire, qui était aussi un genre noble, gardait quelque chose de cette dignité, et ce n’est sans doute pas une simple coïncidence si elle s’est mise à parler de l’arsenic et des nègres au moment à peu près où le drame romantique les introduisait sur le théâtre. Notons d’ailleurs que bien des pages de l’Essai sur les Mœurs annonçaient ici une transformation de l’histoire, et que c’est vers 1750 que la haute société s’était mise à se passionner pour la question des blés. Il n’en est pas moins vrai qu’il a fallu attendre longtemps pour qu’un Sorel pût donner des guerres générales de l’Empire une explication en partie économique, les concevoir comme une attaque et une défense de la thalassocratie britannique, la lutte à mort d’un système et d’un blocus maritimes contre un système et un blocus continentaux. Mais l’ambition de l’ogre de Corse et le génie infernal de la mercantile Albion apparaissaient de l’un et de l’autre côté comme des causes parfaitement suffisantes, et avec raison, puisque c’était cette eau-de-vie qui remontait le moral des combattants. Aujourd’hui encore on est mal venu dans tous les pays à chercher ailleurs que dans les faits moraux de perversité humaine les causes de ce qui nous affecte dans la guerre et dans la paix. Quand cela sera devenu du vrai passé, ne tiendra profondément personne dans sa chair et son âme, les froides interprétations économiques se lèveront d’elles-mêmes, absorberont tout.

Revenons à Corinthe. Elle a par position la plus ancienne, et, jusqu’à celle d’Athènes la plus florissante