Page:Thibaudet - La Campagne avec Thucydide, 1922.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE III

LA MER

Si on se réfère aux racines homériques, la guerre du Péloponèse est à la fois une Iliade et une Odyssée. Une Iliade par son duel d’Athènes et de Sparte, une Odyssée par sa figure maritime. Et c’est, à la réflexion, ce dernier aspect qui domine, qui lui donne sa plus saisissante analogie avec la guerre de 1914. Elle pose en pleine lumière, avec tous ses traits décisifs, la question de la mer.

Au temps des guerres médiques, la guerre continentale avait été terminée, les questions continentales liquidées, du jour où les Perses avaient été repoussés plus loin que de la Grèce même, au-delà du Bosphore. Lacédémone qui avait pris la tête de cette guerre pensait mettre le point final, déposer le harnais. Il n’en était pas de même de la guerre maritime menée par les Athéniens. Celle-ci ne pouvait que se nourrir d’elle-même, l’activité d’une marine n’ayant pas plus de limites que l’élément sur lequel elle navigue, et qu’engendrer une thalassocratie toujours en quête de tributaires, de comptoirs, de colonies nouvelles. L’inquiétude féconde d’Athènes, l’ardeur perpétuelle à entreprendre, le τί νέον ; de l’action pareil au τί νέον ; de la pensée, sont liés à cette destinée maritime.