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petite Hollande est à la tête des coalitions européennes contre Louis XIV, l’Angleterre à la tête des coalitions contre la France en 1793 et l’Allemagne de 1914. Thucydide a vu le même κτῆμα ἐς ἀεί que l’Américain Mahan.

Si une coalition se forme ce sera donc autour de la plus grande puissance financière et maritime ou contre elle. Mais quand une coalition se formera-t-elle ? Et le problème est important, puisque coalition signifie menace ou réalité de guerre générale. Le livre de Thucydide, étiologie et psychologie d’une guerre générale, demeure aussi actuel que tous ceux d’aujourd’hui.

Thucydide a compris que la guerre de Péloponèse (et 1914 répète 431) était née automatiquement de la mise en présence et de la rivalité de deux systèmes d’alliances, et que les causes profondes, les vraies racines de cette guerre ne s’étudiaient qu’avec la genèse de ces deux systèmes.

Les peuples s’allient par crainte d’un danger ; le danger fédérateur qui a fait sortir les cités grecques de leur isolement et de leurs haines locales c’est le grand roi. Avant les guerres médiques, « les Grecs ne se groupaient pas sous le commandement des grandes cités, ni ne se réunissaient d’eux-mêmes pour des expéditions communes » (I, 15). Les guerres médiques donnent donc au monde grec le sentiment de sa solidarité d’intérêts contre les Barbares, et, après la victoire, cette solidarité doit subsister pour défendre au moins les Ioniens et les îles libérées contre les Perses. De là la nécessité d’alliances. « Lorsque les Grecs, par leur union, eurent repoussé le Barbare, ils ne tardèrent pas à se diviser entre Athènes et Lacédémone, tant ceux qui avaient été délivrés du joug du Roi que ceux qui avaient com-