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sance réelle d’une cité (δυνάμεις) ne correspond pas à son apparence (ὄψεις). L’hégémonie de Mycènes était donc possible. Était-elle réelle ?

L’historien rejette comme une raison poétique la légende des serments que Tyndare, avant de donner sa fille au frère d’Agamemnon, fait prêter à tous les prétendants. Il cherche la réalité derrière ces apparences : la réalité est qu’on ne se fait obéir que si on est le plus fort, et le roi de Mycènes a commandé à la Grèce parce qu’il disposait des deux ressources en lesquelles la guerre du Péloponèse montre clairement l’essentiel de la force, à savoir de l’argent et une flotte, la puissance financière et la puissance maritime. D’après les traditions les plus vraisemblables la puissance des Pélopides leur vint des trésors apportés d’Asie en des pays pauvres (ἐς ανθρώπους ἀπόρους). D’autre part des textes d’Homère désignent Agamemnon comme un prince possédant une marine puissante. Il fournit des vaisseaux aux Arcadiens, et il règne sur des îles nombreuses. Or on ne règne pas sur des îles nombreuses si on n’a pas de marine. La puissance qui se trouvait alors à la tête de la coalition hellénique était donc la plus riche en or et en vaisseaux. Ainsi l’Empire Athénien a deux principes : les mines du Laurium et du Pangée, la force maritime créée par Thémistocle. Lacédémone ne le vaincra pour un temps que par les trésors des Perses et en constituant une confédération de peuples maritimes. La loi formulée implicitement par Thucydide à propos de la guerre de Troie et de la guerre du Péloponèse gouverne aussi exactement les guerres modernes. La tête d’une coalition est constituée nécessairement par la plus grande puissance financière et maritime, même si elle n’est pas la plus grande puissance politique : la