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CHAPITRE II

L’HISTOIRE

L’histoire, telle que la propose l’exemple de Thucydide, unit et fait servir l’un à l’autre deux caractères qui, semble-t-il, s’excluent : la plus grande exactitude matérielle et la plus grande généralité. D’ailleurs, quand on croit qu’elles s’excluent, c’est qu’on ne pense pas à l’art, qui les implique au contraire toutes deux et emploie rigoureusement l’une à la perfection de l’autre. Dans les arts plastiques, l’homme n’est typique que s’il est vrai. Cherchez le vrai à l’exclusion absolue du type, vous avez le Musée Grévin ; cherchez le type à l’exclusion du vrai, vous avez l’académisme. Le beau est une combinaison de ces deux éléments comme l’eau et l’air sont une combinaison de deux gaz.

L’histoire de Thucydide tient sa place éminente dans les monuments de la beauté grecque : elle n’échappe pas aux lois de la beauté, elle les confirme au contraire et les expose lisibles sur son visage sérieux. La dernière chose d’ailleurs à laquelle il pensait était bien, comme Pascal lorsqu’il écrivait ses fragments, la beauté. Mais elle résultait nécessairement de sa double recherche du vrai et du type. Et le type lui-même résultait nécessairement de la façon dont il cherchait le vrai. Il y a entre ces termes un certain ordre irréversible, un mouvement qui