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saison s’achève, que dans vingt jours on ne pourra plus ravitailler les troupes, la navigation autour de la Grèce étant suspendue pendant les mois d’hiver, et c’est cette pensée permanente de vingt jours qui le talonne, ne lui permet pas de perdre une heure.

Dès que Thucydide se borne à exposer les faits, il met lui-même en lumière l’activité de Cléon « qui fait prendre immédiatement toutes les dispositions nécessaires, fait renvoyer tous les généraux à l’exception du seul Démosthène et hâte le départ ». Ne gardant comme général que Démosthène, il réalise dans l’armée l’unité de commandement. Lui-même, inexpert en tactique, joue à peu près le rôle d’un représentant en mission, d’un Carnot ou d’un Saint-Just à Wattignies. Son choix est d’ailleurs excellent. Démosthène, audacieux et instruit, tête froide et lucide, est le meilleur général des Athéniens. Il se trouve, à Pylos, en face de Nicias et de généraux qui sont sous l’influence de Nicias, dans la même situation qui le perdra plus tard, et Athènes avec lui, en Sicile, celle de l’homme d’action entravé par un collègue hésitant et temporisateur. Il dut à Syracuse regretter le Paphlagonien. L’attaque a lieu avec les troupes légères amenées par Cléon. S’il s’est engagé à revenir avec les Lacédémoniens prisonniers dans vingt jours, c’est en connaissance de cause, avec un plan préparé, et son succès n’est dû qu’à sa clairvoyance et à son énergie.

Le πάντα διαπραξάμενος ἐν τῇ ἐκκλησίᾳ implique évidemment que Cléon a exposé aux Athéniens son plan d’attaque par troupes légères. Ces troupes légères, à Athènes comme dans le reste de la Grèce, étaient dédaignées : on n’estimait comme décisif et digue d’un citoyen armé que le combat corps à corps ; Cléon pré-