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pose qu’un des termes de la première impliquait que l’on serait débarrassé de Cléon. Or celle-ci ne parle que des deux possibilités de prendre les Lacédémoniens ou de les tuer. Ce serait d’ailleurs la première fois que cette éventualité d’être obligé de tuer tous les Lacédémoniens serait envisagée : jusqu’ici Cléon a dit seulement que si les généraux athéniens étaient des hommes, il leur serait facile de prendre les ennemis dans l’île λαβεῖν τοὺς ἐν τῇ νήσῳ (IV, 27), les prendre vivants et posséder ainsi des otages. Je supposerais volontiers que ce discours de Cléon a dû être celui de tout général en pareille occurrence. Sa situation rappelle celle de Ducrot, comme celle de Nicias celle de Trochu, et Cléon a dû dire comme Ducrot : Vous ne me reverrez que mort ou victorieux. C’est à cette alternative que répond exactement celle où se complaisent les σώφρονες athéniens : ou nous serons débarrassés de Cléon (s’il meurt), ou « nous les aurons » (s’il est victorieux). Thucydide (nous ne savons s’il assistait à l’assemblée), ne travaillait pas sur des comptes rendus analytiques, mais sur des résumés et des récits. Ce coup de pouce ou plutôt cette interprétation d’un discours qui a dû lui être rapporté de plusieurs manières ne dépasserait pas les limites des droits (I, 24) qu’il s’arroge en matière de discours. Je ne me donnerai pas le ridicule de faire de la critique conjecturale, n’étant pas philologue. Observons pourtant que pour conférer à la phrase de Cléon le sens de la phrase de Ducrot, il suffirait de changer (IV, 28) αὐτοῦ ἀποκτενεῖν en αὐτός ἀποθανεῖν qui répondrait au ἢ Κλέωνος ἀπαλλαγήσεσθαι de la phrase suivante. Mais pourquoi déranger ici, mal à propos la critique ? Si par impossible le discours indi-