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La guerre du Péloponèse finit théoriquement par la paix de Lysandre comme la guerre d’Europe finit par le traité de Versailles. Mais la paix de Lysandre ne fut pas une fin réelle : toutes les puissances, toutes les fatalités de la guerre du Péloponèse continuèrent de jouer, d’agir, de porter leurs fruits de vie et surtout de mort. Évidemment, l’histoire étant une continuité, il n’y a pas de fins réelles en histoire, il y a seulement des chaînons dans une chaîne continue. Mais il y a des fins relatives, et, à des bouleversements, des conclusions normales qui annoncent le retour d’un ordre normal : la fermeture des portes du temple de Janus par Auguste est une conclusion normale des guerres romaines, l’expulsion des Anglais une conclusion normale de la guerre de Cent ans, les traités de Westphalie une conclusion normale du conflit gallo-germanique, les traités de Vienne une conclusion normale de la première grande guerre générale d’Europe. Conclusion normale ne signifie pas d’ailleurs conclusion définitive, mais arrangement qui permet aux parties en conflit pour la suprématie et l’existence une vie normale, une tolérance réciproque, un ordre de choses acceptable. Cela, la paix de Lysandre ne l’apporte pas plus que ne l’avait apporté la paix de Nicias, et que ne l’apporteront, comme le montre Sorel, les traités de Bâle, de Lunéville et d’Amiens. La paix de Lysandre ne l’apporte pas, et pour des raisons plus profondes et plus graves qu’à Bâle et à Amiens. Ces deux traités laissaient pendantes et envenimées deux questions capitales et solidaires, celle de l’équilibre européen, celle de la division des pouvoirs entre puissances continentales et puissance maritime, mais ces questions n’étaient pas insolubles, et elles furent résolues en effet, après quinze ans de guerre nouvelle, par les traités de Vienne, qu’on