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s’appela Leuctres. Le plus grand soin d’Épaminondas fut alors de rendre à la division ce Balkan du Balkan qui s’appelle le Péloponèse, naguère en partie groupé sous l’hégémonie de Lacédémone. Deux États nouveaux se créent de la substance de Sparte : l’Arcadie autour de Mégalopolis, la Messénie, reconstituée dans son indépendance, autour de Messène. La situation nouvelle de Sparte entre l’Arcadie et le Messénie est à peu près celle de l’Autriche allemande entre la Tchéco-Slovaquie et la Serbo-Croatie. Outre qu’elle cesse d’être une puissance, elle est absolument ruinée : les citoyens spartiates perdent avec la riche Messénie et ses nombreux ilotes les domaines et le travail servile qui les faisaient vivre. Tout le pays est plongé dans une misère telle que les Laconiens se feront en foule mercenaires dans les nouvelles armées qui remplaceront pour les cités dépeuplées les vieilles phalanges d’hoplites, et qu’Agésilas lui-même sera obligé d’aller faire pour le compte de l’État le métier de condottiere au service des satrapes d’Asie-Mineure.

Épaminondas, ayant ainsi balkanisé le Péloponèse, y recueille peu de sujets de satisfaction. Le pays tombe dans une anarchie dont le récit de Xénophon nous donne une idée suffisante. Arcadiens et Éléens entrent en lutte, se battent en pleine enceinte d’Olympie. Argos, avec les massacres du scytalisme, devient une nouvelle Corcyre. L’Achaïe se refuse, malgré les efforts d’Épaminondas, à l’alliance thébaine. Mantinée l’abandonne. Ces États nouveaux végéteront jusqu’à la conquête romaine dans les discordes et les révolutions. L’histoire continuera à ne faire de place qu’aux anciennes cités, Athènes et Thèbes, qui joueront dans les luttes de l’indépendance un rôle digne de Thémistocle et d’Épaminondas, et Sparte,