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conserver à l’Allemagne son être politique, mais non pour la soustraire aux réparations légitimes et aux garanties nécessaires, surtout quand ces réparations et ces garanties concernaient l’empire de la mer.

On objectera peut-être que la destruction de l’unité allemande n’eût pas été une mesure absolument dirigée contre le germanisme entendu comme capital de civilisation, comme étiquette d’une culture, puisque le génie intellectuel et esthétique de l’Allemagne s’est développé avant l’unité allemande, et paraît même avoir été stérilisé par cette unité. Les nationalistes français les plus absolus, comme M. Barrès, admettent, glorifient même certaines formes de la civilisation allemande, celles qu’ils appellent rhénanes, et qui sont en contact sympathique avec le génie latin et français. Il y a cependant un grand bloc d’humanité, qui va de Stockholm à San-Francisco par Londres, où règne un point de vue assez différent, et où l’on sent obscurément le besoin spirituel d’une métropole du germanisme qui, dans les conditions politiques actuelles, implique bien une Allemagne, et non des Allemagnes. Observons d’ailleurs qu’une concession a été faite à la France, et que l’idée française « des Allemagnes » a reçu un fragment de satisfaction, avec l’interdiction faite à l’Autriche allemande de s’agréger au Reich. Mais entre l’intérêt français, qui voulait que la balkanisation de l’Europe centrale s’opérât jusqu’au Rhin, et l’intérêt anglo-saxon qui exigeait qu’elle s’arrêtât aux monts de Bohême et à la Vistule, si le second l’a emporté, c’est, entre autres raisons, que des images de culture commune, de religion commune ont donné à cet intérêt une bonne conscience et un couronnement idéaliste. Quelle que soit la part du calvinisme dans la formation religieuse de l’Angleterre