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unité, et dont las raisons étaient meilleures encore que celles des Thébains. Cette rupture, cette destruction, ce retour à l’état des traités de Westphalie, n’étaient nullement impossibles. Si la France eût été seule, et toute puissante, et gouvernée par des réalistes impitoyables, elle eût été jusqu’au bout de ses intérêts, de sa tradition, de sa logique géographique et historique. Quelle image s’interposa pour sauver l’Allemagne ?

Je ne prétends instituer ici aucune comparaison entre ce que représente Athènes et ce que représente l’Allemagne du point de vue de la civilisation générale, du point de vue de ce capital moral dont le prestige peut être à un moment donné une défense contre des ennemis, du point de vue de ces morts auxquels Sylla, lorsqu’il eût pris à son tour Athènes, prétendit accorder la grâce des vivants. Mais ce qui était vrai du temps de Sylla ne l’était pas encore en 404. En 404, tout l’éclat intellectuel et esthétique d’Athènes consiste dans son théâtre et sa céramique, la sculpture est encore, malgré Phidias, la propriété indivise du génie grec entier, et la grande école exclusivement athénienne ne paraîtra qu’au siècle suivant ; la philosophie athénienne n’existe qu’en l’étrange personnage qui boira la ciguë cinq ans après et qui est bien le dernier Athénien auquel on puisse penser à la table de Lysandre ; l’histoire athénienne dort encore ignorée en le manuscrit qu’achève Thucydide. L’éclat d’Athènes lui vient de sa grandeur militaire et navale, de ses luttes pour la liberté de la Grèce, de ce génie saisissant qui fait qu’elle existe puissamment en Grèce et que son nom représente une grande chose grecque qu’un Grec sent et ne peut dire.

C’est un fait que la destruction de l’unité allemande n’a trouvé aucun écho auprès des Anglais et des Améri-