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Sparte, qui s’était sauvée elle-même par la force de sa tradition lacédémonienne, sauva Athènes par la force de sa tradition hellénique.

Athènes ne fut pas détruite, mais elle perdit son empire et toute sa puissance maritime. Elle ne gardait que son territoire continental, devait démolir les Longs Murs du Pirée, ne conserver que les vaisseaux qui lui seraient laissés par une décision ultérieure. C’était là qu’aboutissaient l’effort formidable et le rêve démesuré d’un empire athénien sur une Grèce asservie. Et les conditions ainsi acceptées le 25 avril 404 nous rappellent singulièrement celles de l’armistice du 11 novembre 1918.

L’armistice du 11 novembre et le Traité de Versailles constatent l’écrasement de l’Allemagne, mais d’un autre côté ils lui assurent et lui garantissent un être qu’ils pouvaient lui retirer. Elle perd tout ce qui lui donnait figure extérieure d’Empire, mais garde l’armature intérieure qui en fait un État. L’histoire saura un jour, ce que nous ignorons aujourd’hui, les avis qui furent émis parmi les vainqueurs sur la destinée de l’Allemagne. Comme au quartier général de Lysandre, ces avis furent sans doute partagés, et pour des motifs analogues. Une partie éclairée, considérable en qualité, de l’opinion française, voulait la destruction de l’Allemagne, je veux dire la destruction de son unité, de son synœcisme, le retour à son état de division, comme la population d’Athènes rasée en serait revenue, si elle n’avait pas été vendue, à l’état de dispersion antérieur à Thésée. (C’est exactement le traitement que Sparte en 384 infligea à Mantinée, et les Romains, après la défaite de Persée, à la Macédoine.) Il est naturel que la rupture de l’unité allemande ait été demandée par les Français, toujours menacés immédiatement et dangereusement par cette