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Athéniens ; une alliance entre les ennemis de la veille pour imposer la paix à ceux qui la refusent est un paradoxe qui ne tient pas. Quand la paix se fait sans vainqueur ni vaincu, chacun des deux partis s’estime, selon l’occasion et la revendication du moment, vainqueur ou vaincu. Et nul mieux que Nicias lui-même, dans le discours qu’il prononce, avant l’expédition de Sicile, n’indique les raisons pour lesquelles sa propre paix est précaire. « Au moindre échec que nous viendrons à subir, nos ennemis s’empresseront de nous attaquer, d’abord parce qu’ils ont traité à la suite de revers, par nécessité, puis parce que le texte du traité comporte une ample matière à conflit » (V, 10). Les deux raisons capitales dans tous les cas pareils…

Aussi une telle paix est-elle bientôt rompue par la logique de la guerre, et, sans violation délibérée, tombe-t-elle d’elle-même comme une attitude artificielle et forcée. Il faut que la guerre soit menée à son terme naturel, qui est la victoire d’un des deux adversaires, tenant l’autre à sa discrétion. Lysandre et Foch ont eu cette victoire.

La situation de 404 et celle de 1918 présentent bien des analogies. L’épuisement d’Athènes, les ressources et le génie de Lysandre ont permis une victoire toute militaire, la force d’Athènes est abattue, Lacédémone et ses alliés délibèrent en pleine souveraineté sur le sort de leur ennemie. Achèvera-t-on sa défaite par sa destruction ? C’est le parti qui doit être évidemment soutenu par les voisins les plus immédiats d’Athènes, les Corinthiens et surtout les Thébains. Tant qu’il y aura une Athènes, la marine de Corinthe ne sera que la seconde de la Grèce, et toujours menacée. Tant qu’il y aura une Athènes, Thèbes ne sera pas en sécurité ;