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dans l’espace et son extension inévitable dans la durée, l’une et l’autre solidaires. La guerre est pour lui une guerre qui portera sur les points vitaux, lointains, de l’empire athénien, de même qu’elle devra aller dans le temps jusqu’à la destruction d’Athènes. Ou plutôt son tempérament militaire est de ceux qui, installés dans la guerre, ne pensent qu’à la guerre, en prennent leur parti comme d’une chose permanente et nécessaire, se trouvent par là en communion avec sa nature profonde.

Cette nécessité inflexible d’une guerre générale lancée jusqu’à son terme d’épuisement et qui ne peut s’arrêter auparavant, il fallait précisément, pour sa plus grande évidence, que des hommes raisonnables, paisibles et de bonne volonté s’efforçassent d’y contrevenir, et de chercher loyalement à ramener les bienfaits de la paix. Ce fut, après la mort de Brasidas et de Cléon, la paix de Nicias et d’Archidamos, — équivalent à peu près de la paix d’Amiens en 1802, et dont le spectre, sous le nom de paix blanche, rôda tout le long de notre guerre. Une telle paix laisse plus de difficultés pendantes qu’il n’y en avait au moment où la guerre a éclaté, maintient donc intactes, et plutôt accrues, les raisons de conflit. Comme en 1802, la question des restitutions ne peut se résoudre heureusement. Surtout la paix, par les mécontentements qu’elle engendre chez les alliés des deux partis, ceux qui se disent sacrifiés, menace d’engendrer de nouveaux systèmes d’alliances et par conséquent de nouvelles fermentations guerrières. La grande difficulté de la paix de Nicias provient de ce que les Athéniens sont obligés de choisir dans le Péloponèse entre les Argiens et les Lacédémoniens, les Lacédémoniens de choisir dans la Grèce du Nord entre les Béotiens et les