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pied des armées relativement énormes, qui rappelaient celles des rois de Perse et des Carthaginois. Le danger de cette conjonction est apparu plusieurs fois dans l’histoire moderne ; à chaque fois il a déterminé contre la puissance qui aspirait à la double domination une coalition dont l’Angleterre était une des pièces principales : Espagne au xvie siècle, Louis XIV au xviie, Napoléon au xixe, Allemagne impériale au xxe. Derrière le front haut de Périclès comme derrière le casque romantique de Guillaume II, la Grèce et le monde ont aperçu le péril de cette double hégémonie et se sont levés contre elle. Au contraire, des Phéniciens aux Anglais, les thalassocraties ont toujours permis une division du pouvoir, l’ont empêché de se concentrer dans le globe d’or porté par une seule main, et le trident de Neptune n’a jamais été à lui seul le sceptre entier du monde. Quand les deux pouvoirs ont été réunis, on a eu l’empire romain, et les imaginations d’outre-Rhin ont forgé sur ce modèle un empire germanique. L’Angleterre, appuyée sur une ligue des peuples libres, a eu pour la quatrième fois la chance de briser, après Philippe II, Louis XIV et Napoléon, ce rêve des deux pouvoirs réunis. Il est possible qu’il soit repris par un peuple de l’Ancien ou du Nouveau Monde. Il est possible aussi que la fédération anglo-saxonne, par la force des choses, par le débordement des Indes sur l’Asie antérieure, par la vassalité, la portugalisation des petites nations incapables de se suffire, soit amenée insensiblement à l’exercer elle-même, à joindre au contrôles des mers le contrôle des continents : d’où nouvel empire romain, ou nouvelles guerres planétaires.

Ainsi l’extension inévitable d’une telle guerre dans l’espace se lie nécessairement à son extension dans le