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analogue, lorsque l’entrée en scène du monde britannique, de la Chine et du Japon, de l’Amérique du Nord et du Sud transforme pour la première fois — et non peut-être pour la dernière — une guerre locale en une guerre planétaire.

Chaque fois la raison est la même ; c’est qu’il s’agit d’une guerre pour la domination de la mer et que tous les peuples de la mer y sont intéressés. Mais de l’une à l’autre guerre la situation est renversée. Tandis que la plus grande partie du monde grec se lève contre la thalassocratie athénienne, s’efforce de briser ses ambitions d’hégémonie, la plus grande partie de la planète se place de 1914 à 1918 à côté des dominateurs de la mer et vient en aide contre l’Allemagne à la thalassocratie britannique. C’est que cette suprématie maritime de l’Angleterre ne s’est pas accompagnée jusqu’ici d’une domination politique, dont un peuple insulaire n’est d’ailleurs pas capable. L’Angleterre, moitié de son bon gré et moitié de force, n’exerçait pas sur la planète d’hégémonie ; elle a ajouté beaucoup à la prospérité matérielle générale, elle a peu enlevé à la liberté générale, et dans le cours de son histoire, lorsque ses intérêts vitaux n’étaient pas en jeu, l’a respectée à peu près comme avait fait l’aristocratique Sparte. Ce qui, en Grèce comme en Europe, a toujours été redouté comme la menace la plus grave pour la liberté des peuples, ce n’est pas une pure thalassocratie, Carthage, Venise, Hollande et, dans une certaine mesure, Angleterre, c’est la conjonction en un même État de la plus grande puissance militaire et de la plus grande puissance maritime. Tel était en Grèce le cas d’Athènes qui avait la flotte la plus considérable du monde grec, et qui, ainsi que le montra l’expédition de Sicile, était seule capable de mettre sur