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européenne n’a point posé par sa victoire une conclusion, mais le principe de discordes nouvelles. Enfin, si cette guerre a continué les vieux procès européens, elle les a pris dans un rythme mondial, elle les a subordonnés à tout un ensemble terrestre, elle les a rendus secondaires en enlevant à l’Europe, et surtout aux vieilles puissances de l’Europe, leur place prépondérante et centrale. Toutes ces analogies ne seront donc vraies que d’un angle spécial et momentané, sembleront d’autant plus vraies qu’elles éprouveront davantage le besoin les unes des autres et seront disposées à se relayer.

Cependant, pour une pensée à la fois géométrique et plastique, l’abstraction qui retrouve sur le visage de notre guerre les traits de la grande guerre grecque me paraît la plus claire et la plus satisfaisante des trois. On a montré souvent comment la Grèce est une miniature de l’Europe, comment dans la Grèce même l’Attique est une réduction de toute la Grèce. Il s’agit, dans les trois cas, aux trois échelles, d’une presqu’île découpée, élancée d’une masse continentale, avec des plaines intérieures qui nourrissent des populations agricoles, un développement de côtes qui la met en contact avec des routes de la circulation humaine. Quand une de ces presqu’îles sera engagée dans une guerre générale, dans une guerre de vie ou de mort, ce sera pour une question d’hégémonie née d’une question plus générale encore, celle de la domination des mers.

Ces deux guerres exhaustives et totales servent de conclusion et de sommation à une tradition invétérée et à un état endémique de guerres particulières. Elles ne naissent pas subitement, elles sont précédées d’autres guerres, d’éruptions locales qui tendaient à se généraliser et qui naissaient des mêmes problèmes. Entre les