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L’époque de son échec est celle où naît chez elle une science, celle de l’Économique, cette économique des États qui prolonge l’économique de la maison et que Xénophon met en œuvre en faisant suivre d’une Cyropédie le dialogue d’Ischomachos. La destinée de Xénophon nous dessine parfaitement en traits littéraires cette figure possible d’une Athènes panhellénique et dominatrice. Voyez-le réunissant les traits de l’Athénien de vieille souche et du Grec aventurier, colonisateur, administrateur, tel qu’il apparut à l’époque d’Alexandre et des diadoques, ayant appris de Socrate la toute-puissance de l’intelligence et la loi de l’εὐπραξία, détaché enfin de sa patrie locale, et ne prisant que la Grèce et l’empire avec son pur et vivace esprit athénien. Le Syracusain Hermocrate caractérise fort bien l’empire athénien lorsqu’il dit que les Athéniens en Ionie se sont simplement substitués au Perse et font peser sur les Ioniens une domination plus éclairée, mais plus lourde. (VI, 76). C’est bien cette science de la domination éclairée, que le génie d’Athènes, au moment de la guerre, était en train de découvrir et qu’il eût fécondée au contact de l’Égypte — comme plus tard les Romains — si Inaros l’avait libérée des Perses. Cette matière d’une science impériale, Athènes sut d’ailleurs la réduire à la mesure d’une science municipale au temps d’Eubule et de Lycurgue.

Une thalassocratie athénienne, même fondée sur tant de violence, eût été une des grandes choses de l’histoire. Elle eût mieux valu que ce qui eut lieu. La victoire du principe contraire, liberté et autonomie des cités, avec Lysandre contre Athènes, avec Épaminondas contre Sparte, n’est qu’une victoire négative, et en réalité une défaite. La défaite d’une Grèce épuisée, vidée