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premier apparaît aux contemporains comme le signe du bien et le second comme l’exposant du mal.

La stabilité, la puissance de conservation font la force et le prestige de Sparte. Thucydide note qu’elle est régie depuis quatre cents ans par la même constitution et que c’est là le secret de sa puissance. Tout dans la cité spartiate est tendu vers ce but : perpétuer sans changement la coutume des ancêtres ; on s’y tient avec obstination même quand cette perpétuité menace la cité des plus graves dommages. Au moment où l’oliganthropie constitue pour Sparte un danger mortel, elle continue à éliminer, à précipiter dans le peuple déchu les descendants des neuf mille qui ne peuvent plus fournir leur quote-part aux repas communs ou qui ont encouru l’atimie (la loi est pourtant suspendue en faveur des prisonniers de Sphactérie). Elle se tient fixée à son idéal de qualité ; elle ne paraîtra jamais plus grande que lorsqu’elle sera réduite à une poignée d’hommes autour de Cléomène. Il y a eu pourtant des Spartes plus spartiates que Sparte, — plus Spartiates parce qu’elles n’ont pas été conduites par Lacédémone à aliéner malgré tout une partie dz leur principe dans une guerre générale et un rôle trop lourd, qu’elles n’ont pas eu de Lysandre, et qu’elles n’ont pas eu d’histoire. Ce sont les cités doriennes de Crète. Si le génie et l’idéal de Sparte avaient prévalu, la Grèce serait restée en paix, mais après les guerres médiques elle fût devenue une autre Crête, une autre Achaïe. Le génie mobile d’Athènes a jeté Sparte dans l’histoire, l’y a entraînée de force comme l’Hercule de Banville amène à la lumière le sanglier d’Érymanthe. La théâtrocratie athénienne a poussé Sparte et toute la Grèce en plein théâtre.

Sparte est entrée dans la guerre pour la liberté de la