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grandes figures centrales de Sparte et d’Athènes, pareilles à celles, au Parthénon, de la dispute entre Athéna et Poséidon. Lui-même ne s’est point passionné pour cette dispute, il a seulement sculpté du marbre, fait saillir des muscles, rendu des mouvements pathétiques. Notre guerre nous a permis de reconnaître qu’il avait constitué, sous la figure de Sparte et d’Athènes, des réalités éternelles et valables pour tous les temps. Si notre esprit n’est pas assez ferme, assez sec, assez purement lumineux, assez inhumain, pour y porter le même désintéressement, si nous sommes induits par notre nature individuelle, nationale, à prendre parti, essayons-nous à cette partialité et à cette passion, pour les épurer, dès la guerre même du Péloponèse, et cherchons dans le coin secret de notre cœur quelle victoire nous nous prenons à souhaiter, celle d’Athènes ou celle de Sparte.

Du point de vue grec la justice est certainement du côté de Sparte. La Grèce étant figurée comme un pays de cités libres, le bien consiste dans la liberté de ces cités et le mal dans leur oppression par l’une d’entre elles. Avant la guerre Lacédémone exerce une prépondérance décorative, due au prestige de ses guerriers, à la solidité de sa constitution, à la richesse des pays qu’elle gouverne. Ce gouvernement est dur pour les Hilotes et les Perièques, mais ceux-ci paraissent incorporés à l’état lacédémonien par la prescription la plus authentique et la moins discutée : en dehors de son domaine historique Sparte ne nourrit aucune ambition de conquête ni d’hégémonie, et les cités qui participent à son