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Les écoles philosophiques, à partir de Socrate, ne porteront plus pour fruit unique ni même principal la découverte et la connaissance de la vérité, mais bien celles des hommes : la lumière de la pensée ne se sépare pas des figures originales où elle se pose en clair-obscur et d’où elle fait saillir les modelés qui conservent pour nous les apparences de la vie. Ainsi la guerre du Péloponèse, dans le naufrage de tous ses espoirs, soit athéniens, soit lacédémoniens, soit grecs, devient de plus en plus un atelier d’hommes. Pas un de ces hommes, de quelque côté que ce soit, qui réussisse dans la tâche qu’il s’est proposée. Ceux qui ne sont pas arrêtés en pleine action par la mort sur le champ de bataille vivent assez pour que leur existence se termine sur la conscience d’un échec. Le dernier, celui qui mettra le point final à ce grand œuvre et après lequel l’atelier des bronzes se fermera, Épaminondas, du haut du tertre où ses soldats l’ont porté, séparé de la mort par le fer qui l’a blessé et attendant pour le retirer d’avoir pu donner l’ordre dernier : Alors, faites la paix. — ramasse dans une perfection suprême cette construction de l’homme, cette destruction du dessein politique et cette défaite de la cité. Mais au point du temps et de l’intelligence où il est placé, Thucydide n’envisage pas encore sa guerre de ce point de vue plastique, qui, à une époque de détente et de recul, donnera les Vies de Plutarque. Le κτῆμα ἐς ἀεί reste chez lui une chose politique. Les hommes ne sont dessinés que dans un bas-relief analogue à celui de la frise des Panathénées. Le fronton, la place centrale, la ronde-bosse sont réservés à ces