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rayonnement de son orgueil, qu’Alcibiade puise le principe de ce mouvement. Nicias l’a désigné dédaigneusement comme un jeune glorieux qui se soucie d’éblouir les Grecs par ses chevaux. Oui, il a fait rejaillir sur Athènes l’éclat de ses quadriges, de ses victoires olympiques : « J’ai lancé sept chars, ce qu’aucun particulier n’avait fait avant moi ; j’ai remporté le prix, j’ai eu encore le second et le quatrième rang, et j’ai déployé une magnificence digne de ma victoire ! » (VI, 16). Il s’est montré dans le luxe de ses chorégies, il crie devant la foule son ambition de se distinguer de la foule. Il évoque le succès de sa politique dans le Péloponèse. Il fait voir en lui, comme une image visible de la cité, cette exigence d’action, cette tension pour rester maître, qui sont les principes de la puissance d’Athènes. « Si la république demeure en repos, elle subira l’usure naturelle à toutes choses et tous les talents s’y affaibliront, au lieu que la lutte lui donnera de l’expérience et l’accoutumera à se défendre par les actes plutôt que par les paroles. » (VI, 18). Et en même temps il est habile. À la malveillance grondeuse de Nicias contre la jeunesse et le prince de la jeunesse, il répond par des paroles de déférence pour le vieux stratège, conseillant aux Athéniens d’employer Nicias avec lui, d’associer la jeunesse et la vieillesse, de les tempérer et de les achever l’une par l’autre. Il couronne l’effet de son discours par la mise en scène pathétique des députés d’Égeste et des exilés léontins, suppliants du peuple athénien. Et Nicias, qui comprend qu’il n’y a plus rien à dire, devient malgré lui l’organisateur de l’expédition. Ce discours qui commence dans une si belle jactance de jeune homme pour s’achever dans une si profonde habileté politique me rappelle le sentiment et le mouvement du