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à l’occasion du vieux Céphale. C’est bien un trait de caractère athénien qu’a noté Périclès, quand il a dit dans son discours : « Chez nous il n’est pas honteux d’avouer sa pauvreté, mais bien de ne rien faire pour en sortir. » M. Espinas voit à tort dans l’apologie philosophique de la pauvreté, dans ce qu’il appelle l’antichrémastique, la cause de la stagnation industrielle du monde antique. C’est attribuer aux philosophes une place exorbitante dans la cité.

Le Céphale de Platon prise surtout la richesse comme un moyen de se faire de bonnes relations dans le monde des dieux. Nicias voyait dans la même fin le plus précieux usage auquel pût servir ce que lui rapportaient les mines d’argent. Il entretenait une troupe de devins, et cela lui coûtait gros. Il emmena cette troupe en Sicile, et cela coûta plus gros encore à la République, puisque ces experts en secrets des dieux l’empêchèrent, sous prétexte d’éclipse quand la retraite était encore possible, d’embarquer son armée avant vingt-sept jours. Et pourtant les Athéniens avaient élu Nicias à cause de sa vertu, de sa piété, de tout ce qui pouvait attirer sur l’expédition, au lendemain du massacre des Méliens, la faveur divine. Nicias ne part qu’à contre-cœur, après avoir en deux discours intelligents et tristes essayé de faire revenir le peuple sur sa décision et d’empêcher une expédition dont il ne présage rien de favorable. Depuis ce moment il occupe dans l’histoire de Thucydide une place analogue à celle de Crésus dans l’histoire d’Hérodote. Nous voyons cette figure pathétique et grondeuse, angoissée et timide, entrer avec la fortune d’Athènes dans un couloir tragique qui s’achève par un supplice obscur dans une prison de Syracuse. Je pense toujours à Giscon. Nul homme dans cette guerre ne souffrit