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et les jugements qu’elles comportent nous paraissent se fondre un peu dans un fait universel, qui n’est pas seulement la guerre du Péloponèse prise comme un drame unique, mais le κτῆμα ἐς ἀεί lui-même, le portrait composite qui apparaît quand on superpose pour obtenir une réalité idéale les périodes analogues, les guerres générales modernes. Nous y trouvons beaucoup de raisons pour accepter le type de Cléon comme un produit inévitable, naturel et souvent utile d’une situation extrême. Il a reparu à toutes les époques de ce genre. Et si ce démagogue a rendu à Thucydide (et à nous), en le rejetant à Skapté-Hylé, le même service que Napoléon III a rendu à Victor Hugo (et à nous) en le confinant à Guernesey, nous y trouverons une raison nouvelle de l’accepter d’un cœur léger.

La démocratie athénienne, ne paraît nourrir à l’égard des riches ni haine ni jalousie. Les Athéniens sont fiers des grosses fortunes de leurs compatriotes, et pour eux la richesse n’est pas plus un crime que la pauvreté n’est une honte. Les riches sont d’ailleurs utiles aux finances de l’État, qu’ils alimentent en partie, et le peuple préfère en général que les charges importantes soient remplies par eux, parce qu’ils y apportent leur argent, y emploient leur compétence, sont les premiers intéressés au salut de la République, la font bénéficier de leur chance et de la protection que les Dieux leur ont dispensée pour mener à bien leurs affaires. C’est pour toutes ces raisons que nous voyons Nicias obtenir une popularité que d’ailleurs il cherche. Ayant su administrer