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tique. Le monde grec ne produira jamais ce type du βασιλεύς, et le monde occidental ne le connaîtra qu’avec les empereurs romains. Au contraire le type de Périclès, celui d’un premier citoyen qui gouverne une démocratie par l’autorité de la parole et la lumière visible de l’intelligence, demeure consubstantiel à la cité athénienne, et, pareil aux monuments qu’il fit sortir de l’Acropole, paraît en émaner comme son fruit parfait, à la fois naturel et miraculeux. D’autres démocraties, qui ont semblé vouloir le reproduire, n’y ont jamais réussi. Il est unique dans l’histoire politique comme l’Acropole dans l’histoire de l’art. Thucydide a reconnu en lui les mêmes puissances constructrices élémentaires, la même Athéna Ergané qui le conduit dans la rédaction de son histoire. Il a peut-être, — et nous avons sûrement en le lisant — le sentiment d’une cité de l’esprit, qui, dans le désordre apparent de la guerre, établit un ordre, ordre où se répondent et s’équilibrent un Périclès et un Thucydide, un Phidias et un Socrate. Périclès entre dans la guerre avec la claire connaissance des ressources d’Athènes, c’est-à-dire avec le génie même qui consiste à poser des dessous, à peser des moyens pour une fin, le génie de l’histoire chez Thucydide lorsqu’il projette de dégager de la guerre un exemplaire éternel de la nature humaine, — le génie de la sculpture chez les statuaires du Parthénon lorsqu’ils préparent leurs figures, aménagent leur composition selon la nature des frontons triangulaires, paraissent faire du mouvement et de la vie les fleurs spontanées des formes géométriques que l’architecture leur impose, — le génie de la Sagesse chez Socrate lorsqu’il tourne l’homme vers la connaissance intérieure, et, sur des registres différents, tant au début