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attitude moins passive et une action plus hardie, il suffisait qu’elle se laissât aller à cette logique de la mer qui multiplie les théâtres d’opération et les champs de bataille. C’était peut-être chez Périclès une grande chimère que de prétendre enfermer les vents dans l’outre d’Éole et rendre stagnante la politique d’une guerre maritime.

Mais peut-être ici la pensée de Thucydide est-elle gouvernée moins par la vision et l’idée de la mer que par la vision de la Pnyx et l’idée du gouvernement démocratique. Il impute la mine d’Athènes au plein exercice de la démocratie après la mort de Périclès, et il n’a pas tort. Mais d’abord cet exercice de la démocratie était l’œuvre de Périclès lui-même, et ensuite ce n’est pas pour avoir décidé de grandes entreprises comme l’expédition de Sicile et être sortie du programme limité de Périclès qu’Athènes a finalement succombé. C’est pour avoir entravé leur exécution par la politique des partis. C’est pour avoir mis entre les mains d’Alcibiade et de Nicias le plus puissant instrument de guerre qu’aient jusqu’alors manié des Grecs, et les avoir ensuite bousculés dans leur action par des poussées de zèle religieux et des intrigues de coteries politiques. La pensée qui décide l’expédition de Sicile et la prévoyance avisée qui préside à son organisation paraissent aussi dignes d’éloges que la politique qui fait accepter par Louis XIV la guerre de la Ligue d’Augsbourg ou par Louis XV la guerre de Sept Ans, toutes deux inspirées par l’intérêt français bien entendu et soutenues par des ressources proportionnées en somme à l’effort qu’elles demandent. Seulement le fanatisme, qui dicte à Louis XIV la révocation de l’Édit de Nantes, aboutit au beau résultat de fédérer tous les protestants d’Eu-